Que dire de l’art cerdan sinon que c’est un résumé de l’art catalan avec la modestie et le savoir-faire d’un peuple aussi discret qu’exigeant ?
Déjà, aux temps mégalithiques ou lorsqu’on gravait, il y a quelque trois mille ans, les schistes d’Err, d’Osseja ou de Vallsabollera, se manifestait une volonté esthétique. Il faut cependant attendre l’an 1000 pour rencontrer une production artistique exceptionnelle.
C’est alors que la Cerdagne s’enrichit d’un dense réseau d’édifices romans. Au XIème siècle, avec les églises lombardes d’Ur et Caldégas, au XIIème siècle avec la pierre dominée et sculptée d’Hix, Llo, Olopte ou Guils, et même encore au XIIIème siècle à Enveitg ou à All, nous trouvons toujours la même qualité, celle d’un habile ouvrier qui donne le meilleur de lui-même.
Si nous pénétrons à l’intérieur des églises, c’est un épanouissement de Vierges romanes (Dorres, Ix, Ger, Err, Font-romeu), de Christs (la Llaguna, Ix, Estavar), de devants d’autel (Ix, Angostrina, Mosoll), de fresques (Estavar, Angostrina, Càldegues). On peut découvrir en Cerdagne de nombreux aspects de notre art roman et du meilleur puisque le Museu Nacional d’Art de Catalunya a choisi bon nombre de nos richesses pour les mettre à la place d’honneur de tant de salles.
On ne trouve en général d’œuvres monumentales gothiques que dans les villes de création tardive, nées d’une volonté royale, comme le pont de Sant Martí sur le Querol ou les églises de Puigcerdà, Llívia o Bellver. De nombreux villages ont gardé des sculptures en bois comme le Christ et Sainte Marguerite de Palau. La Cerdagne a la fierté de conserver des retables qui restent l’orgueil du gothique catalan, celui de Sainte Marthe d’Iravals de Ramon Destorrents, celui de la Vierge allaitant de Palau de son élève Jaume Serra et, au XVème siècle, celui de Bolvir sauvé en 1936. Sont-ils gothiques les châteaux de la vallée de Querol ? Il est difficile de l’affirmer après tant de remaniements.
Le XVIème siècle est un mauvais siècle catalan aux niveaux politique, démographique, économique. Pourtant, la Cerdagne a su préserver des œuvres intéressantes comme le cloître des dominicains de Puigcerdà ou les retables d’Antoine Peytavi d’Iravals, d’Ur ou de Sainte-Léocadie. Le XVIIème siècle vaut à la Cerdagne des années et des années de guerre. Il n’est pas étonnant qu’il n’ait pas laissé d’œuvres majeures si ce n’est une citadelle militaire comme Mont-Louis. Une agriculture florissante et une contrebande prospère permettent à la Cerdagne de connaître des années favorables au XVIIIème siècle. Ainsi peut s’expliquer une profusion d’art baroque, six retables par exemple dans la seule petite église de Caldégas. De nombreux retables seront brûlés en Cerdagne espagnole en 1936 mais nous avons gardé des œuvres prestigieuses à l’ermitage de Font-Romeu (de Josep Sunyer), à Enveitg mais aussi pratiquement dans chaque église. L’aisance économique de ce siècle explique l’abondance et la perfection architecturales de puissantes fermes aux linteaux sculptés, aux portails monumentaux et, par exemple à Sainte-Léocadie, de curieux espanta-bruixes.
La bourgeoisie barcelonaise du XIXème siècle et du début du XXème aimait passer l’été en Cerdagne. C’est pour cela que l’art nouveau catalan, de réputation internationale, est très présent chez nous, en particulier à Puigcerdà aux rues Querol, Espanya ou Abat Oliba, au bord du lac, au théâtre. A Bolvir, la Torre del Remei en est un parfait exemple. Certes notre montagne ne possède pas de monuments à la mesure de la tribune de Serrabona, du portail de Ripoll ou de la cathédrale de la Seu. Notre orgueil est celui de posséder un art montagnard fidèle à des exigences de qualité, mais surtout d’un art à l’échelle humaine.
Texte de Jean-Louis BLANCHON
Le plus
En période Estivale M. Blanchon historien passionné propose des visites guidées d’églises de Cerdagne. Ces visites sont gratuites.